Séminaire Atelier 4: Diversité et ambiguïtés de la ressource patrimoniale

Séminaire 5 juin 2018 à 14h, salle LR4 au Campus Tréfilerie, UJM Saint Etienne

Diversité et ambiguïtés de la ressource patrimoniale

  • Georges GAY, Professeur Université Jean Monnet

C’est au cours des années 90 que le patrimoine est devenu un objet de recherche pour les géographes alors qu’il était auparavant essentiellement travaillé par les historiens et les ethnologues. Cet investissement des géographes correspond à un changement de point de vue qui glisse de l’objet patrimonial aux processus de patrimonialisation. Ce faisant, cette démarche va au-devant d’une demande sociale qui sollicite le patrimoine comme antidote aux incertitudes du présent. Dans cette perspective, la patrimonialisation est une composante souvent incontournable des politiques de développement qu’elles soient le fait des « villes entrepreneuriales » ou des territoires orphelins, construisant le patrimoine comme une ressource dont la diversité est à la mesure de l’inflation chronologique, typologique et spatiale qui s’en est emparé dans les dernières décennies. Le séminaire a donc pour objectif d’explorer cette diversité, dans le prolongement des questionnements ouverts par le séminaire du 26 avril de l’atelier 2. Il se propose d’en interroger aussi les ambiguïtés car patrimoine choisi ou patrimoine subi, patrimoine positif ou patrimoine négatif, patrimoine de dominants ou patrimoine de dominés, la ressource patrimoniale est loin de s’abriter sous un statut unique qui en ferait un indiscutable bien commun…


  • Clémentine PERINAUD, Doctorat de géographie-aménagement – Université Jean Monnet

 Titre – Entre négation et réinvention sélective du patrimoine industriel : le cas de l’ancienne ville-usine de Terrenoire (quartier de Saint-Etienne)

Dans nombre d’anciennes villes-usines en reconversion, le patrimoine industriel est envisagé comme un levier important de la revalorisation territoriale. A ce titre, le quartier de Terrenoire (Saint-Etienne) présente une situation territoriale singulière. Cette ancienne ville-usine est caractérisée par l’absence de politiques patrimoniales fortes, malgré l’existence d’un héritage industriel important et diversifié, principalement constitué suite au développement de la Compagnie de Terrenoire (1821-1889). Cette communication souhaite mettre en évidence les processus qui concourent à inscrire l’héritage de la ville industrielle terranéenne dans un horizon incertain, à la fois du point de vue de sa reconnaissance chez les habitants et de sa prise en compte par les pouvoirs publics.

Dans la désindustrialisation, le quartier a connu une conversion résidentielle qui s’est associé à un processus d’invisibilisation de son caractère industriel. Une enquête menée entre avril et décembre 2017 a ainsi montré la prédominance d’une absence de considération du patrimoine industriel chez les habitants au profit d’autres modalités de valorisation : proposer un espace résidentiel de qualité et abordable dans un environnement de nature. Les pouvoirs publics ont accompagné l’effacement des traces de la ville industrielle au travers d’une politique active de démolition des bâtiments d’usines entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000, au nom de l’urgence de la reconversion du quartier. L’héritage de la ville industrielle reste aujourd’hui perçu par les acteurs municipaux comme une contrainte matérielle et symbolique.

La banalisation de la ville-usine se lit ici dans le rapport devenu confidentiel aux lieux de la ville industrielle, dans un quartier plus ordinaire. Nous assistons cependant à un mouvement fragile de mise en patrimoine du quartier, pour partie spontané au travers de la reconnaissance par certains groupes habitants de « signatures », matérielles et symboliques, renvoyant à un « vécu proprement terranéen ». Nous observons également la reconstruction d’un projet de quartier fondé sur la valorisation de « l’écrin vert » terranéen qui tend à réinvestir certains lieux de la ville-usine sans cependant considérer ou même connaitre l’histoire industrielle qui y est attachée. Cette situation questionne l’opportunité d’une reconnaissance institutionnelle d’éléments hérités de la ville-usine en réponse à un risque de banalisation et de dévalorisation exprimé par la plupart des habitants enquêtés.

  • Pierre-Antoine Chabriac, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne

Suite à la grande crue du Rhône de 1856 qui toucha durement le quartier de la Guillotière à Lyon, détruisant un grand nombre de constructions en terre crue (1185 maisons détruites, 448 partiellement détruites et 200 avec des avaries) et faisant se retrouver 10 000 habitants sans logement, le maire-préfet Vaïsse publia dans les semaines suivantes un arrêté interdisant la technique du pisé de terre crue dans l’ensemble de l’agglomération lyonnaise. Devant la nécessité de construire des logements rapidement et peu onéreux (dans le contexte de la révolution industrielle), se développa alors la technique du pisé de mâchefer. Résidu solide provenant de la combustion de la houille, le mâchefer est broyé puis mélangé à de la chaux et sa mise en œuvre est identique à celle du pisé de terre crue (damage entre des banches pour des murs monolithiques de 50 cm d’épaisseur en moyenne). Matériau peu onéreux et disponible en très grande quantité, le mâchefer comme matériau de construction se répandit rapidement, jusque dans les années 1950, à tel point que des architectes de renom l’utilisèrent pour de grands projets. On peut par exemple citer Tony Garnier pour la Cité des Etats-Unis à Villeurbanne ou encore le premier stade Gerland.

Blocs agglomérés de béton de mâchefer

Les bâtiments en mâchefer sont donc légion entre Lyon et Saint-Etienne et dans toute la Vallée du Gier. Or, si les bâtiments en mâchefer représentent des dizaines de milliers de logements, ce matériau reste peu connu scientifiquement compliquant ainsi la réhabilitation dans le contexte actuel de rénovation énergétique. Ses caractéristiques physico-chimiques, son comportement potentiellement hygrothermique, son impact sur la santé, les principes architecturaux, sociologiques et économiques sous-jacents à ce mode constructif sont autant d’inconnues à ce jour.

Les recherches menées dans cet atelier tentent alors de lever ces verrous scientifiques qui favoriserait la réhabilitation de ces constructions en lieu et place de leurs destructions, faute de connaissance, et permettrait alors de sauvegarder un patrimoine architectural local riche et une tranche d’histoire importante de la région.

  • Essaid Bilal École des Mines de Saint Étienne

Mâchefer comprendre pour entreprendre

L’objectif de notre étude est de comprendre les transformations induites par la circulation de fluides dans les bétons mâchefers, qui conditionnent leur dégradation ou leurs propriétés d’usage. Il faut aussi déterminer l’interaction des mâchefers avec les liants (chaux hydraulique ou ciment) utilisés lors de l’élaboration du Béton mâchefer.

Nous sommes en cours de développer une méthodologie d’identification des interactions des mâchefers avec leur environnement. Nous présenterons une étude préliminaire de la dégradabilité des mâchefers dans l’environnement stéphanois.