INTERSTICES 22 Devesset
2022 - 2022 | Françoise GIRARDOT (Université Jean Monnet) | Financeur du programme : Dotation EVS
Participants EVS
Séverine ALLEGRA (Professeur des Universités), Audrey VANHOVE (Maître de conférence)Mots clés
Auvergne-Rhône Alpes, FranceBiologie, Changements Climatiques, santé
Bilan scientifique
Le lac de Devesset en Ardèche est une retenue artificielle de 50 Ha créée en 1974 par la construction d’une digue au niveau de la source de la rivière Eyrieux, sur des terres agricoles, des bois et des tourbières. Entre 2019 et 2021, le lac a connu en période estivale des épisodes de proliférations de cyanobactéries toxinogènes (appelés blooms), conduisant à des interdictions de baignade qui nuisent à son attractivité. La fréquence de ces épisodes est appelée à augmenter dans un contexte de changement climatique. Le principal facteur des proliférations des cyanobactéries est le phosphore. Durant l’été 2021, la concentration en phosphore total de l’épilimnion a varié entre 0,04 et 0,07 mg/L. La charge sédimentaire est très importante (2260 mg/Kg de matières sèches en 2021). La richesse en matière organique des sédiments favorise les proliférations microbiennes et la désoxygénation du lac l’été. Ces conditions favorisent le relargage du phosphore sédimentaire dont 50% serait sous forme directement assimilable par les cyanobactéries. La survenue de précipitations intenses ou d’orages semble un facteur prépondérant dans le déclenchement des blooms, soit parce que le ruissèlement apporte des nutriments au lac, soit parce que le vent et la baisse de température de l’épilimnion brasse les eaux permettant la remontée du phosphore en surface. En 2021, les 2 épisodes de blooms sont survenus quelques jours après des orages violents. La réglementation fixait jusqu’en 2021 un seuil de 50 000 cellules toxinogènes ou 100 000 cellules totales par mL. Pour la saison 2022, le biovolume des genres toxiques devait être <1mm3/L.
Le projet visait à :
- suivre la dynamique des populations de cyanobactéries planctoniques, chaque semaine entre avril et septembre,
- mettre en relation cette dynamique avec les facteurs météorologiques et physicochimiques (pH, température, oxygène, stratification du lac),
- identifier les pratiques et l’occupation des sols sur le bassin versant, pouvant engendrer ces flux de nutriments et les cartographier,
- identifier des sites ayant des problématiques similaires et étudier les plans d’action mis en œuvre quand ils existent
- mettre en réseau les acteurs académiques et les parties prenantes et monter un projet de recherche permettant d’appréhender le projet dans sa dimension socio-écosystémique
- créer un site atelier.
Réalisations scientifiques :
Les profils horizontaux, thermiques et oxygéniques ont été mesurés du 19 avril au 20 septembre 2022. La stratification du lac s’est mise en place la semaine du 23 mai. Entre le 23 mai et le 23 juillet, la thermocline est remontée de -5 à -3m de profondeur. La réoxygénation du lac a été achevée le 20 septembre. Entre le 7 avril et le 23 août, le nombre total de cyanobactéries a oscillé entre 769 et 9037 cellules/mL d’eau, pour un biovolume toujours <1mm3. A part deux semaines en mai, Woronichinia a représenté plus de 70% de la population, pour décroître brutalement début août, remplacé par Coelosphaerium puis Cyanodyction et Aphanothece, trois genres non toxinogènes. Le pic (20 000 Coelosphaerium /mL) a été atteint le 30 août.
Les données météorologiques ont été collectées à partir du 16 mai par la station installée au bord du lac. Il y a eu quatre jours où le cumul des précipitations sur 24h a dépassé 10 mm : 23 juin (20,3 mm), 4 juillet (13,2 mm), 14 août (59,6 mm), 17 août (28,3) et 30 août (17,2 mm). L’absence de prolifération algale a été probablement liée à la faible pluviométrie et l’absence d’évènements météorologiques intenses. L’étude de la chambre d’agriculture sur les pratiques agricoles vient juste de débuter, celle sur les flux de nutriments n’a pas été lancée en raison du financement insuffisant. Le SIGLD a déposé un projet auprès du département de l’Ardèche pour compléter le financement de l’agence Rhône Méditerranée Corse. En cas d’obtention des fonds, l’étude démarrera en avril 2023.
Nous avons identifié de nombreux sites subissant des proliférations algales. Nous avons rencontré les gestionnaires de la base nautique de Grangent (St Victor sur Loire) le 1er avril 2022. Sept plateformes génératrices d’ultrasons ont été mises en place en 2020 pour détruire les proliférations algales. Le retour était positif (moins de jours de fermeture). Le SIGLD a envisagé le déploiement de deux plateformes en 2022 mais n’a pas réalisé l’action par manque de financement. Pour l’année 2022, le site de Grangent a été fermé à la baignade pratiquement tout le mois de juillet et en août. La prise en compte des toxines dans la nouvelle réglementation en est probablement à l’origine. En effet, les ultrasons détruisent les cellules de cyanobactéries et favorisent la libération des toxines dans la colonne d’eau. Nous avons visité le site du lac d’Aydat (Puy de Dôme) le 24 novembre. Depuis la restauration de sa zone humide en 2008-2009, ce lac n’a connu qu’une fermeture en 2017 en raison de la présence d’une espèce qui n’est plus considérée toxinogène désormais (Aphanothece).
Retombées du projet :
L’absence de prolifération algale durant l’été 2022 n’a pas permis de répondre à la question de la cause de ces proliférations. Le travail sera poursuivi en 2023. Cependant, les données collectées en 2022 pourront servir de référence si des proliférations apparaissent les années à venir ou si des moyens de gestion de la charge interne ou externe sont mis en œuvre.
Le site atelier Lac de Devesset a été inauguré le 29 septembre 2022 en présence de nombreux élus, du président et des vice-présidents de l’Université Jean Monnet (UJM), la directrice de l’IUT de Saint Etienne, les directeurs d’EVS et d’ISTHME, et les étudiants du Master 2 PGAE de l’UJM qui étaient en atelier de terrain. Le site a accueilli l’atelier des doctorants EVS le 14 juin 2022.
Une journée atelier est prévue à Devesset en février 2023 pour les M1 et M2 du master Sentinelles. Dans le cadre de leur projet tutoré, un groupe d’étudiants du master Geonum reprend en 2023 le travail de cartographie SIG de Maxime Caleyron (cf bilan du stage) et un groupe du master Sentinelles étudie les pollutions du lac.
Une réponse à l’Appel à propositions de recherche 2023 « Projets de recherche collaboratifs » FR BioEEnViS Biodiversité, Eau & Ville, associant Pierre Cornu (Laboratoire d’études rurales de Lyon), Anne Honegger et Muriel Maillefer (EVS-ENS) et Françoise Girardot (EVS-ISTHME) a été déposé le 2 décembre 2022.
Une lettre d’intention sera déposée à l’ANSES en janvier 2023 dans le cadre du Programme National de Recherche Environnement-Santé-Travail. Elle associera les personnes déjà citées et les membres d’EVS intéressés.
Bilan du stage :
Stage de Maxime Caleyron, Master 1 Geonum.
Objectif : recenser et analyser les causes possibles de pollution du lac de Devesset (Ardèche) grâce aux outils SIG.
Maxime a utilisé le modèle numérique de terrain (MNT) de la zone du lac issue du référentiel à grande échelle (RGE) ALTI.
Réalisations :
- Délimitation du bassin versant du lac, localisation des tributaires et délimitation de leurs sous-bassins versants.
- Recensement des assainissements non collectifs non conformes (données du Service Public d’Assainissement Non Collectif, SPANC).
- Cartographie de l’occupation des sols (données de l’OCS GE de l’IGN) et des pratiques agricoles (données déclaratives 2019 et 2020 du Registre Parcellaire Graphique RPG), servant de référence à l’instruction des aides de la Politique Agricole Commune (PAC).
- Grâce à une campagne effectuée avec le drone de l’IUT de Saint-Etienne, cartographie des drains et croisement des observations de terrain avec les jeux de données.