INTERSTICES 23 CHAUCOLA
2023 - 2024 | Antoine FONTAINE (CNRS) | Financeur du programme : Dotation EVS
Participants EVS
Antoine FONTAINE (Chercheur), Laurence ROCHER (Maître de conférence)Mots clés
Auvergne-Rhône Alpes, FranceChauffage, Commun, Crise énergétique, énergie, Logement, Sobriété
Résumé
L’enchaînement de la relance économique suite aux confinements de 2020, de la mise à l’arrêt d’une grande partie du parc nucléaire français et du conflit russo-ukrainien est à l’origine d’une importante crise énergétique en Europe. La hausse des prix de l’énergie pèse lourdement dans le budget des institutions publiques et des entreprises, et de nombreux ménages risquent de basculer dans des situations de précarité énergétique. Le problème vient en particulier des frais de chauffage, premier poste de dépense énergétique des ménages. En attendant la mise en œuvre d’actions de rénovation thermique ambitieuses du parc immobilier français, de nombreux acteurs doivent s’organiser pour limiter leurs consommations, progresser vers une sobriété énergétique davantage subie que choisie, et amortir les factures redoutées de la période hivernale à venir.
Le projet CHAUCOLA entend amorcer une recherche sur l’évolution des pratiques individuelles et collectives de chauffage en contexte de crise énergétique. En particulier, il s’agit d’interroger comment les habitants de logements collectifs (propriétaires occupants et locataires) et les bailleurs (publics et privés) s’organisent pour faire face à l’augmentation des frais de chauffage. Le périmètre de l’étude porte en particulier sur les logements collectifs équipés d’un chauffage collectif, qui représentent 18% du parc de résidences principales en France (INSEE 2017). Dans l’essentiel de ces logements, le chauffage est pensé comme un commun, dont le coût est réparti selon un principe de solidarité. Les charges de chauffage sont équitablement réparties entre les occupants de logements exposés au Nord et aux extrémités du bâtiment qui doivent beaucoup chauffer et les occupants de logements mieux exposés, qui bénéficient du chauffage de leurs voisins et sollicitent moins leurs propres radiateurs. Pour réduire leurs frais de chauffage, les occupants de ces bâtiments, accompagnés par leurs bailleurs et des associations expertes comme les agences locales de l’énergie, doivent penser et agir en collectif pour limiter le gaspillage.
Une directive européenne de 2015 impose une autre clé de répartition des frais de chauffage dans les logements collectifs avec chauffage collectif. Cette directive fait l’hypothèse que si les consommateurs sont facturés en fonction de la chaleur qu’ils consomment, mesurée par le biais de compteurs individuels de consommation à installer, ils réduiront leurs consommations. Jusqu’à présent, l’Individualisation des Frais de Chauffage (IFC) n’a que très peu été mise en œuvre en France malgré l’obligation européenne. Cette mise en œuvre a notamment été freinée par le coût important de l’installation de dispositifs techniques de comptage individuel des consommations de chaleur au sein de systèmes techniques pensés selon un schéma de fonctionnement collectif (Dorison, Rocher, Fontaine 2022). Néanmoins, en réponse à la crise énergétique, des bailleurs (publics et privés) et des propriétaires jusqu’à présent peu favorables à la mesure changent d’avis. Pour certains toute mesure susceptible d’entraîner une baisse des consommations énergétiques vaut le coup d’être explorée tandis que pour d’autres, la solidarité énergétique à l’échelle d’un bâtiment est jugée comme un principe trop couteux. Le détricotage du chauffage comme commun est toutefois susceptible de créer d’importantes situations d’inégalités socio-énergétiques. L’occupant d’un logement exposé plein Sud dans les étages intermédiaires d’un immeuble réduira drastiquement sa facture tandis que les occupants de logements moins attrayants (mauvaise exposition, rez-de-chaussée…) seraient tenus de payer une part plus importante des charges de chauffage du bâtiment. Comment les habitants de logements collectifs et les acteurs du secteur du logement vont-ils s’organiser pour mettre en discussion et adopter des pratiques de chauffage plus sobres en contexte de crise énergétique ? Quelles vont être les conséquences sociales et économiques des choix opérés ?