Compte-rendu de séance du séminaire Faire Territoire Faire Société – 10 mars 2023

OCCUPATIONS FÉMININES ET LUTTES FÉMINISTES : UNE APPROCHE INTERSECTIONNELLE

© Solène Beaucher, 2010

Compte-rendu de séance rédigé par Clara Lyonnais-Voutaz (doctorante contractuelle en géographie-aménagement)

Programme

Deux chercheuses ont présenté leurs travaux :

  • Fanny Gallot, Maitresse de Conférences-HDR en histoire contemporaine, Historienne à l’UPEC, membre du CRHEC (Centre de Recherche en Histoire Européenne Comparée) et enseignante à l’INSPE de Créteil.

“Appréhender les luttes du travail reproductif de « femmes immigrées » de 1968 aux années 1980”

Elle a récemment soutenu son HDR sur le thème « travail reproductif et mouvements sociaux en France depuis 1945 ».

 Joanne Le Bars, Maîtresse de Conférences en Géographie à l’Université Gustave Eiffel, membre du Laboratoire Analyse Comparée des Pouvoirs

  • Groupe de recherche Justice, Espace, Discriminations, Inégalités.
    ” Femmes sans-papiers dans la lutte. Trajectoires d’engagement, lignes de clivage et résistances quotidiennes”.

 

Présentation n°1 – Joanne Le Bars

Femmes sans-papiers dans la lutte. Trajectoires d’engagement, lignes de clivage et résistances quotidiennes.

  • « Appréhender les luttes du travail reproductif de « femmes immigrées » de 1968 aux années 1980 »
  • Mobilisations et lignes de clivage qui se dessinent dans les luttes coll.
  • Appréhender les pratiques & les relations dans et hors de la scène militante. Militantes prédisposées à la lutte ou non.
  • Montrer ct ces formes de politisation s’inscrivent ds pluralité de formes de contestations ou de résistances ordinaires, quotidiennes et individuelles, entamées dès soc de départ.

Penser politisation interlocutrices. Revenir sur une enquête et sur des habitants et militantes d’un squat d’occupation et d’habitation. Echelle du squat : intersection entre lieu de vie, militantisme (lieu de militantisme) et rapports de domination. Squat entre 2009 et 2010.

Femmes sans titres de séjour au moment de la rencontre, originaire Afrique subsaharienne et Maghreb. Divorcées, veuves ou séparées (pour presque toutes) et des enfants (dans la soc de départ).

Enquête dans cadre doctorat et post-doc.

Ethnographie d’un collectif militant et résidentiel. Suivi longitudinal des militantes du lieu (qu’elle a suivi pendant 13 ans)

S’appuie sur un article « le genre du squat, politisation et intimité chez des femmes sans papier ». Article de 2020 dans Genèse.

https://www.cairn.info/revue-geneses-2020-3-page-70.htm&wt.src=pdf

 

Cadre théorique

Prolongement de travaux pour analyser l’occupation et le militantisme de ces femmes. Travaux sur les mvts des femmes & travaux féministes : travail frontière

  • Militantisme et non militantisme
  • Entre privé et public
  • Entre mouvement et institutions.

=>Articulation entre travail domestique et travail militant. Quelles disponibilités biographiques à s’engager de ces enfants ? Sans enfants sur place, classes pop stabilisées dans soc de départ et des classes moyennes.

=>Travail militant et travail domestique : quels rapports de pouvoir traversent l’organisation ? Analyser rétributions matérielles et symboliques offertes par le collectif militant. Contexte de fort déclassement.

+Travaux sur les styles de mobilités

+Ethnographies féministes du centre de Birmingham : analyser hors cadre féministe explicite et militant, analyser les formes de féminisme ordinaire dans la vie quot.

=>Appréhender les formes de contestation ou de transgression qui peuvent émerger dans ces engagements. Et des formes de résistance pratiques.

+ Mobilisation de la géographie sociale et des géographies féministes. Intérêt à la matérialité des lieux, appropriation esp (public/privé), corps, construction du chez soi, la ville aux frontières de la nation.

èCt les rapports de sexe, de race, d’âge et de classe s’entremêlent au quotidien dans l’espace pour définir la position sociale de ces femmes ?

 

Plan de la présentation :

  1. Des femmes sans-papiers dans un squat d’occupation : résister aux rapports de race et de classe
  2. L’encadrement genré du lieu occupé
  • Une chambre à soi ? L’espace des chambres ou les femmes dans leur intimité reconstituée ou défendue

                  

[Connaissance du squat par des amis cinéastes qui mettaient en place ateliers vidéo part avec hab et militantes de ce lieu. Entrée comme militante et ensuite un travail de recherche]

  1. Des femmes sans-papiers dans un squat d’occupation : résister aux rapports de race et de classe
  2. Genèse d’une mobilisation

Lieu anonymisé (NE Parisien), renommé Squat des Amandières. Sur l’entrée « Régularisation de tous les sans-papiers ». Squat fait suite à une précédente occupation et à un conflit qui avait eu lieu avec des syndicats. DC des coll de sans-papiers décident d’ouvrir un squat et d’avancer leurs revendications : régularisation de tous les sans-papiers et pas juste des travailleurs.

Mobilisation coll mais aussi lieu d’habitation. Env 400 ho et 76 fe la nuit. Chambres des femmes, toutes situées à « l’étage des femmes » et organisées par origine régionale. Ensemble de modes d’action mobilisés : les manifestations par ex.

+Squat engagé dans une démarche d’extériorisation et de revendication des actions (débats, projections, rencontres).

Sont décidées des règles de vie commune. Ensemble d’affiches qui rappellent droits & devoirs des habitants et militants du lieu.

Adhésion au coll et fait d’y dormir implique participation active aux manifestations, aux ateliers. Se matérialise par un ensemble de pratiques d’encadrement. Manif : 1x par semaine les après-midis et le lieu est fermé.

Aussi des vigiles (termes des membres du lieu) : ho qui contrôlent l’entrée des lieux et sont placés dvt gde porte entrée. Pointage tous les soirs (vérifier qui dort la nuit pour vérifier que gens qui disent dormir là dorment bien là). Pr les femmes, c’est une femme qui fait le pointage vers 22h.

Une très grande cour où sont organisés des ateliers et où y a des rassemblements.

 

  1. L’arrivée au squat pour les femmes sans-papiers : entre l’hébergement et « la lutte pour les papiers »

Interlocutrices qui racontent arrivée co hasard (pas liée à une politisation). Ancrage locale joue un rôle.

Ou connaissance de ce lieu par un tiers. (et situation de rupture) + A la rue donc hébergement = un mode d’entrée.

 

Aussi des hab qui arrivent par des réseaux bien constitués, lié à d’anciennes mobilisations.

=>Produit des politiques migratoires mais aussi des politiques du logement en France.

 

  1. Du partage d’un sort commun aux manifestations dans l’espace public
  2. Sans-papiers et travailleuse dans le service domestique

Cette organisation permet d’accéder au partage d’un sort commun, celle de sans-papiers et celle de travailleuses dans le service domestique. Ateliers et réunions favorisent un récit à la 1ère personne qui relate l’exp au travail.

 

  1. Manifester dans l’espace public ou troubler l’ordre social et spatial dominant

Manifestations ritualisées et routinisées (de manière hebdomadaire). Marquage corporel et matériel et une appropriation de l’espace public de manière symbolique. Pour ces femmes manifester = troubler l’ordre spatial dominant, celui de l’esp public vécu au quotidien.

Confrontées à des processus d’invisibilisation qui marquent leur pratique quot de l’esp pub. Là mettre en scène son corps dans l’esp public = qq ch de non conforme au régime de visibilité et au régime de placement des corps (cf Marianne Blidon). Rejet d’un positionnement normatif qui leur est assigné.

Apprentissage collectif de la manifestation : donner une forme de pouvoir à ces femmes et découvrir autres formes de féminité.

NB : toutes pas aussi à l’aise avec le maintien du corps et avec le cri.

=>Si engagement de ces femmes et apparition de ce squat place les femmes dans une résistance, leur rapport au groupe social femme les place dans une position subalterne au sein de ce mouvement social.

 

  1. L’encadrement genré du lieu occupé
  2. Division sexuelle du travail militant et du travail domestique

Ensemble de règles implicites. Incombe aux femmes la préparation des repas. Font beaucoup le ménage (notamment étage des femmes et toilettes de cet étage alors que les hommes le fréquente bcp).

Rare de voir dans la cour des femmes assises. Sont svt debout et passent simplement dans cet espace collectif de la cour alors que ho s’y assoient et regardent la télévision (pas de femmes dans cette position).

Croiser des hommes à l’étage des femmes mais l’inverse n’est pas vrai du tout.

Si migration internationale des interlocutrices leur a permis de s’affranchir grâce à la distance d’un ensemble de tâches domestiques et familiales, ce que reflète le squat c’est qu’il y a une forme d’accaparement de cette disponibilité par les hommes qui peut se faire au nv du squat pcq c’est aussi un lieu d’habitation.

 

 

  1. Division genrée et sociale du travail militant

Réunions du collectif : très peu de femmes, voire aucune.

Au sein du squat, des femmes ont des responsabilités. Une est chargée du pointage le soir. => Y a des militantes plus visibles qui participent à l’encadrement. MS en général femmes plus dotées, soit petit diplôme ou ont été scolarisées ou sont en France depuis plus lgtps.

Attribution par le collectif d’un rôle technique et politique induit des positions hiérarchiques qui confèrent à ces femmes des logiques rétributives hybrides. DC ce lieu = un lieu de reconversion, de compétence pro pour les unes et d’actualisation de dispositions politiques pour les autres (pfs déjà militantes dans la soc d’origine).

Migration laissait entrevoir une forme de mobilité sociale (dps leur position de départ à la France). Mob que ne peuvent pas réaliser pdt les 1ers temps en France pcq assignées au travail domestique, donc le travail militant offre d’autres voies d’ascension.

 

Ordre du genre : femmes peu présentes dans la durée dans les espaces collectifs et mixtes du squat.

Inversement espace des chambres fortement investi par les femmes. Esp principal des rencontres avec interlocutrices.

 

  • Une chambre à soi ? L’espace des chambres ou les femmes dans leur intimité reconstituée ou défendue
  1. Une chambre collective : « maisonnée de survie », rapport d’âge et autres rapports de domination

Chambre de 6 avec 4 femmes originaire du Mali en particulier. 2 des 4 ont participé à une précédente occupation, et ont été régularisées suite à cette occupation. Aujourd’hui habitent toutes les deux dans un logement social.

(Portraits de ces femmes)

Une femme – aide-soignante, une fille confiée à une tante, a toujours travaillé dans le nettoyage industriel, plaisir à s’exprimer en public. Le lie aux gens de caste (opposé aux personnes libres). Compétence oratoire et communicationnelle : cela l’oppose à la retenue habituelle qu’on peut observer chez des personnes, forme de pudeur. Faculté oratoire lui permet de compenser au squat un statut plutôt subordonné. (Au Mali qd on est griot par rapport aux hommes libres, statut subordonné). DC lui a permis une certaine prise de pouvoir notamment militante.

 

Une autre enquêtée : mère de 4 enfants, aide-soignante au Mali ; tjs ds le nettoyage industriel dps son arrivée en Fce. Pdt son occupation a gardé une chambre en colocation. DC s’y rend seulement le week-end et dort majoritairement au squat.

Travaux qui montrent que, ds cette région du Mali, femmes migrent dans cadre familial. DC décalage avec les rôles sexués de la soc de départ. Et femmes relativement dotées : on observe des migrations féminines de femmes seules dps le Mali vers France MS viennent d’autres régions du Mali et non de la région de Kayes. Ont petit diplôme (étaient aide-soignantes). Au regard de leur génération dans la région de départ, capital scolaire important : poursuite de scolarité et se marier plus tardivement (pas ordinaire) ; ont pu choisir leur mari. Après le mariage, contraintes d’arrêter l’activité pro. Suite au divorce poss de reprendre leur travail, ce qui leur a permis d’économiser de l’argent pour partir. Leurs pères étaient fonctionnaires (salaire fixe : ds contexte malien, stabilité imptte) ; époux relativement dotés.

Divorce : assez fréquent ajd au Mali même pour des femmes de leur génération, même si les femmes divorcées continuent de souffrir d’une forme de stigmate.

Capitaux nécessaires constitués grâce à l’activité pro et au divorce, réseau féminin, matériel et amical.

2 autres interlocutrices :  parties en France avec visa touristique et sont parties ds cadre conjugal.

  • Une arrivée en 2009 et obtient titre séjour en 2021 ; ajd logée en résidence social. Qd arrive ds le squat, dps qq mois en France, pas de travail et solidarité avec les femmes de sa chambre. A le bac, famille d’agri, mariée avec un journaliste qui a fait ses études en France et prestige local (notamment à l’échelle de la région de départ). Suite à la prise par son époux d’une 4e épouse, situation trop difficile et négocie un départ pour la France sans divorcer. Mari aide à partir (est dans réseau obtention de visa)
  • Une autre : mari parti aux USA avant elle, dvt chauffeur de taxi et aide sa 1ère épouse à partir en France avec argent qu’il a pu accumuler aux USA. Partage transnational des ressources au sein d’un couple situés entre 2 esp sociaux diff. Ressources de l’international redistribuée en permettant à Bintou de partir en France.

 

Chambre de 40 m². Valises encadrent les lits : protection pour se faire un espace à elles. Lors de cette occupat°, ce qui est très dur : douches effectuées dans les toilettes de l’étage des femmes. (Eau de javel = élément récurrent du discours sur les trajectoires résidentielles.) Q° des conditions de propreté des hébergements et leurs gestes visent à éviter le contact avec la saleté d’un quotidien subi dans un logement collectif.

+ Demander un paravent pour se protéger un passage des entrées inopportunes.

Evocation ++ des formes de solidarité entre elles (cf « maisonnée de survie »)

Position de pouvoir dans la chambre < ancienneté, être plus doté (position sociale dans la soc de départ), et fait de posséder une partie du matériel de la chambre, âge. => Axes structurants des rapports de pouvoir en Afrique de l’Ouest.

 

  1. Des chambres individuelles sans fenêtre pour (se) mettre à distance ?

2 à l’étage des femmes. Contrôler l’entrée dans les chambres, poss de s’enfermer.

Une occupante : enseignante, avait toujours des livres s/ table de chevet, fréquentait beaucoup la bibliothèque du quartier et le soulignait. F algérienne, célibataire.

Femme qui s’éloigne des rôles féminins attendus : jms mariée. Politise son refus du modèle traditionnel. Ce rapport à la famille (co militantes syndicales ouvrières) devient un objet de distinction politique et sociale entre femmes. Modèle tradi familial attribué aux classes populaires.

 

Conclusion

Tenter de s’ajuster aux formes d’oppression combattue, lutte pour les sans-papiers et occ° du squat -> formes inédites, formes de repositionnement de soi (vie en commun, part à des act et des modes d’action militante). Échelle du squat, attention portée à intersection entre lieu de militantisme et lieu d’habitation marquée par genre et autres rapports de dom°. Groupe « femme sans papiers » eet « sans papiers » caract par hétérogénéité. Plusieurs enjeux de lutte implicitement hiérarchisé. Position largement minoritaire de ces femmes contraint leurs luttes à des luttes infrapolitiques.

Mise en cause aussi pratique des normes de genre et des divisions sociales entre femmes.

Trajectoires militantes fruit d’un contexte et de possibilités politiques. Militantes accordent leur engagement à l’aune de la disponibilité. Face au déclassement lié à absence de titre de séjour, l’organisation militante peut offrir aux plus dotés, une place d’encadrement en son sein. Les moins pourvues, minorisées ds squat, forme d’entre-soi féminin populaire et des formes de pratiques féministes quotidienne : autre grammaire de la résistance, aux contours plus ind que coll.

 

Questions :

  • Rapports de lutte entre ho/fe ? Une interlocutrice qui a souhaité monter un collectif de femmes (demande aide de la chercheuse), n’a pas perduré. Ds réunions, critiques ++ envers les ho : ne leur laissaient pas le droit à la parole, place minorisée, devaient faire le ménage. Bcp forme de rébellion, notamment autour du nettoyage, de la propreté et des toilettes.
  • Ct & par qui les manifestations sont-elles organisées ? Plusieurs coll de sans-papiers qui organisent sans les syndicats.
  • Diff des pratiques de l’esp ds les manifestations entre ho/fe ? Ct se positionnent les femmes dans l’espace des manifestations ? Vraiment les ho qui organisent les manifestations et qui décident aussi de là où devaient être les femmes et comment elles devaient s’habiller. A un moment les fe avaient des t-shirts blancs par ex.
  • Certains ho disent que le fait qu’il y ait des femmes sert à se protéger des violences policières et des violences de la préfecture. Enjeu de mise en visibilité des femmes. Cf lors de l’évacuation du squat : mettre les femmes devant pour éviter des formes de violence. (Ce que les ho disaient comme ça). DC fait de mettre des t-shirts blancs : pour que soient davantage visibles, pour des raisons de protection face aux violences policières, mais pas pour mettre en avant le travail domestique des femmes.
  • Négociation du terrain ? Fait qu’au début soit militante et toujours à leurs côtés au quotidien = grande facilité pour la confiance. Partage du quotidien (allait tous les jours dans le squat et passait de nombreuses heures). A vraiment participé. Après évacuation du squat, en a accueilli certaines chez elle => créer des relations assez fortes. Ethnographie : tjs se demander si les enquêtés ont bien cse qu’on fait des enquêtes. Éprouvant de les voir ensuite dans centres hébergement urgence et sans savoir où allaient dormir.

 

 

Présentation n°2 – Fanny Gallot

Appréhender les luttes du travail reproductif de « femmes immigrées » de 1968 aux années 1980 : quelques pistes

 

Historienne. Articuler féminin, féminisme et approches intersectionnelles. Revisiter qq travaux déjà produits avec la ligne directrice qui est accentuée par le travail que vient de terminer autour de l’idée de travail reproductif.

Plus des pistes et des éléments de réflexion.

 

Parle de « travail reproductif » et non de « travail domestique ». Travail reproductif appliqué aux théorisations féministes actuelles avec des renouvellements et des traductions. Participent de la perspective de la grève féministe. Cf. théoriciennes dites de la reproduction sociale (appellation a posteriori).

Théorisations qui ne sont pas si nouvelles mais qui sont davantage appropriées dans les milieux féministes aujourd’hui et participent de l’idée de la grève féministes : arrêter le travail pro et domestique le 8 mars.

Conceptualisation bien plus ancienne (HDR faire travail généalogique) : utilisation de l’expression « travail reproductif » fréquente dès les 1980-1990s’. Longue histoire de la notion surtout dans les études anglophones (très peu dans les études francophones).

Inscription dans une épistémo féministe : faire une histoire féministe. Mettre en avant une histoire féministe en France assez nouvelle et pas du tout acquise. Collègues ont plus élaboré une histoire des femmes et du genre dans la dernière période. Lié à la manière de se positionner dans le champ académique (faire une hist des femmes et du genre = question historiographique centrale). Revisiter les sources avec un autre regard.

S’intéresser à la production du savoir, mais aussi les conditions de la production du savoir et comment ça influe. 2e élément qui fait que c’est une histoire féministe, et inspirée de théorisations féministes.

 

Définir le travail reproductif de manière plus précise : envisager dans un même mouvement le travail domestique non rémunéré effectué dans la famille et le travail rémunéré effectué dans la sphère pro mais déqualifié du fait de l’assignation au domestique (càd tous les métiers du care, yc un certain nbre de métiers de l’industrie pcq on considère que naturel pour les femmes de les effectuer, donc pas qualification et rémunération qui s’y rapportent). Nbreux métiers dans la sphère pro mais déqualifié. => Va du domestique non rémunéré à ces métiers-là, en passant par tous les moments et toutes les situations où on réalise du travail gratuit (notamment les stages) càd situations qui ne relèvent pas encore de sphère pro et plus vraiment de la sphère domestique.

 

Définition du travail domestique, cf Whait is Work ? Gender at the Crossroads of Home, Family, and Business forme the Early Modern …. 2020. Raffaella Sarti et alii.

 

« Femmes immigrées » : catégorie d’action publique qui se forge ds 1970s’. Diversité des parcours et des statuts : profusion de contribution de divers ordres. Complexité des trajectoires et des expériences. Groupe pas homogène.

Enjeu : luttes du « travail reproductif » = envisager les mobilisations de travailleuses pro, mais également domestiques, en tant que travailleuses. En filigrane : appropriations ordinaires, cf article avec Eve Meuret Campfort.

=>Appropriations ordinaires des féminismes : plupart des femmes ne se disent pas féministes mais on pourrait considérer des usines co groupe-femmes à grande échelle (discuter ensemble, mettre à distance le privé, etc.). Pfs refus de l’étiquette féministe pour mieux adhérer à la classe qd sont syndiquées. Q° : qu’est-ce qui se joue en pratique ? Où s’arrête le féminin et où commence le féministe ? (Impossible de dire qu’elles sont féministes sans le savoir, dans la mesure où récusent l’accusation. Se passe qq ch par le bas, féminisme en pratique. Ne peut pas dire « vous êtes féministes sans le savoir ». Qq ch de l’ordre de la mise en cause du privé qui s’opère et des liens qui se nouent avec des militantes féministes. Circulations et appropriations par le bas.)

 

Histoire féministe : déstabiliser le présent, inspirée des théorisations féministes.

 

Plan de la présentation :

  1. Absence de prise en compte des « travailleuses immigrées » (professionnelles) dans les archives syndicales de façon systématique
  2. La révolte du foyer Pauline Roland : la mise en cause d’un « travail quasiment gratuit »
  • L’« intégration », un travail domestique ?

 

 

  1. Absence de prise en compte des « travailleuses immigrées » (professionnelles) dans les archives syndicales de façon systématique

Cf son travail de thèse sur les ouvrières en France dps 1968. Ensuite sur le sort des dites femmes immigrées, notamment des travailleuses immigrées professionnelles.

Etude de 2 organisations syndicales principales : absence de prise en considération des travailleuses professionnelles immigrées. Pcq structures organisées avec un secrétariat à la main d’œuvre féminine et un secrétariat à la main d’œuvre immigrée. Envisagés comme des catégories càd des cas spécifiques. Fait partie à plein de débats internes à la CGT (lutte des classes et ensuite les catégories co les femmes, les immigrés, les jeunes, etc.).

Secteur féminin : montée au créneau ds 2e moitié des 1970s’ et idée que faut en finir avec les catégories, parler des femmes salariées de manière systématique à diff moments. MS pas ce qui se passe dans les faits.

=>Où sont les travailleuses immigrées à la CGT ?

 

Diff avec la CFDT : pas de secteur féminin. Intégrer le secteur « travailleuse » aux secteurs « cadre de vie » par ex. Chaque secteur a des sous-secteurs : « travailleuses », « immigrées », etc. Absence systématique de « travailleuses professionnelles immigrées ». Fait écho à la question sur le sort des femmes noires.

Cf Bell Hooks : Ne suis-je pas une femme ?. Impossibilité de penser le sujet « femme noire ». En Fce des années 1970, « femme immigrée » = sujet impossible à penser par les organisations syndicales qui faisaient un focus soit sur les questions de genre soit sur les questions liées à l’immigration.

Étant donné contexte et effervescence féministe, et élaboration de recherche et de nouvelles catégories, petit à petit émergence de cette question. Ex : CFDT et CGT.

CFDT, une une de journal consacrée aux ouvrières d’Azur (surtout des Portugaises). Dans une perspective intersectionnelle dénonçait le sort en tant que femmes et en tant que Portugaises (avec notamment les insultes des petits chefs comme « tête de morue »). Q° : ct se battre qd on est travailleuse et immigrée ? Yc le lien avec la communauté des Portugais et des Portugaises du 94.

CGT commence à s’interroger sur ces éléments à la fin des années 1970s’. Femmes portugaises, espagnoles, marocaines ou algériennes qui travaillaient ds les blancheries : réf aux faits que c’était souvent des femmes immigrées dans ces secteurs mais pas encore de réflexion systémique. Réhumaniser le travail contre les brimades et les insultes -> vont conduire aux luttes des ouvrières immigrées. (Cf la question de la dignité dans les grèves du début des années 1980s’, cf Vincent Gay)

 

  1. La révolte du foyer Pauline Roland : la mise en cause d’un « travail quasiment gratuit »

Là situation intermédiaire : on n’est pas dans du travail professionnel. Foyer d’insertion par le travail qui ouvre la fin du 19e. Se situe à Paris. Dans ce foyer, sont hébergées des femmes. Femmes seules ou avec des enfants. Victimes de violences conjugales ou très grandes diff. Il s’agit de les réinsérer par le travail.

Ds ce foyer, y a des ateliers : une buanderie et un atelier de couture notamment. Femmes qui vivent dans ce foyer peuvent être sollicitées pour travailler à la crèche ou la cantine pour les autres femmes du foyer.

A la buanderie lavent le linge, par ex une grande partie des hôpitaux de Paris sont pris en charge par ces femmes. Travaillent, dorment et vivent sur place, éventuellement avec enfants.

Milieu 1970s’, évolutions : certaines sont autorisées à aller travailler à l’extérieur. Censées rester env 6 mois et ensuite pouvoir se trouver un logement, trouver un travail. DC manière dont ça fonctionne : gagnent un « pécule » càd on leur donne de l’argent pour le quotidien et au moment de leur départ, on leur donne le reste. Sachant qu’elles ont une rémunération très faible, largement au-dessous du SMIC (c’est une de leurs revendications).

Une grande partie des habitantes sont dites issues de l’immigration. En fait bascule au tournant des années 1980s’ : dans les années 1970s’ il est question de leur nationalité (Algérienne, Marocaine, Yougoslave) et dans les années 1980s’ c’est l’ « origine ». On passe à l’idée d’une forme de racialisation, souvent des femmes p ê de nationalité française mais perçue dans les tableaux avec une origine diff.

Proportion importante de femmes dites issues de l’immigration et un cas à part pour les femmes venant des DOM. Des pochettes diff selon les origines (de l’Hexagone, des DOM et d’autres pays ou avec d’autres nationalités). DC y a un enjeu ethnoracial important dans ce foyer.

Des moments et des incidents qui rendent compte de diff entre les femmes ou entre les femmes et les surveillantes liées au racisme. En 1976, une révolte au foyer qui donne lieu à une brochure « Le dossier noir dans le foyer Pauline Roland ».

Comité de soutien se forge (résidentes et anciennes résidentes, militants, hab du quartier, groupes femmes du quartier, etc.). N’a pas fait d’entretiens donc ne sait pas si question du féminisme revendiquée ou pas. Mais travail dans le quartier au nv local.

Revendications :

  • Refus de l’infantilisation et de la discipline. Règles très strictes d’entrée et de sortie du foyer, d’accueil des autres, etc.
  • Dénoncent du travail quasiment gratuit et le système du pécule où reçoivent de l’argent par quinzaine, même pas de quoi s’acheter un paquet de cigarette, forme d’argent de poche (moitié versée à la fin et au départ). => Déjà dénonciation du travail gratuit, question très travaillée ajd.

Cf les élèves infirmières qui dénoncent les stages gratuits

  • Dénoncent les inégalités de traitement au sein du foyer : inégalités entre les Fçses et origine étrangère. Surveillantes vont exclure plus facilement des femmes considérées et perçues comme immigrées que quand sont perçues comme Françaises et blanches.

=>Forme de ras-le-bol

=>Se solde par le départ de la directrice, aménagement ++ de la vie dans le foyer beaucoup plus participative, davantage de concertation. Journal du foyer où les résidentes rendent compte de questions qui les préoccupent (aussi à l’avortement, à la contraception, etc.)

 

 

  • L’ « intégration », un travail domestique ?

Les Nanas Beurs

Vraiment sur le quartier et les femmes (notamment mères et épouses) s’engagent sur la base d’un travail domestique.

Exemple d’organisation associative de femmes immigrées qui se forge après la marche, du fait de la division sexuelle du travail militant dans la marche. Dénoncer à la fois le sexiste et en se battant pour meilleure intégration et meilleure reco. Au départ surtout s’adresser aux jeunes filles puis mères et épouses qui souffrent de violences conjugales et discriminations. Travail au quotidien d’accueil de femmes en difficultés et initiatives socioéducatives et culturelles.

Là écrivent clairement dans les Nanas Beurs qui ne sont pas féministes (mais créent des liens en pratique qu’on pourrait dire, de façon anachronique, relativement sororales pour l’accompagnement des femmes, des mères et de mise à distance des questions liées au privé).

Pourrait-on considérer que cela constitue une forme de travail domestique et qui pourrait être envisagé co une manière d’envisager matériellement, au sens économique du terme, la perspective intersectionnelle ? Dans le tr domestique, établir un certain nbre de tâches ; pour les femmes immigrées ds quelle mesure n’y a-t-il pas un travail supp qui peut se rapporter à l’implication dans les associations et en dehors de l’esp domestique pour l’intégration ? Est-ce que ça ne permettrait pas d’analyser l’intégration se rapportant à un travail d’intégration et un travail de femmes racisées ? (Donner une assise à un travail intersectionnel)

 

Conclusion

Avec 3 cas (un sur le travail pro, un cas intermédiaire q peut être considéré co pro mais pas intégré en tant que tel dans la sphère pro, et travail domestique gratuit et non rémunéré) => forme de continuum qui s’opère et continuum qui peut s’envisager dans une perspective intersectionnelle avec l’idée de l’invisibilisation d’un sujet politique dans le cadre de ces différentes mobilisations qui émergent dans un contexte particulier (mobilisation du début des années 80, marches contre le racisme, mobilisation contre FN, etc.).

Intégration comme travail domestique (qui incombe aux femmes racisées de classe pop), réfléchir à la formation pro des dites femmes immigrées (en lien avec les politiques publiques mises en œuvre).

Cstr d’un esp collectif en tant que femmes, avec mise à distance du privé, collectivisation du privé, sans se revendiquer féministes.

Une perspective ouverte (par son HDR) : travail domestique et mobilisations liées au travail domestique -> syndicalisme familial et résidentiel (ambition dans les années 70-80 co les syndicats pro dans l’usine, transposer dans les quartiers). Structures qui ont beaucoup entraîné de femmes, notamment de classes pop, qui ont eu une activité très importante dans les années 60 et 70 (confédération syndicale du cadre de vie, confédération syndicale des familles). Travailler à la fois école, familles monoparentales, etc. Lier les questions intersectionnelles, le militantisme et les actions à l’échelle du quartier.

Questions :

  • Revisiter et redéfinir la notion de « travail »
  • Travail domestique : ce qui se rapporte au privé et à la famille. C’est une part du travail reproductif.

Recommandation de lecture : 2016 – Actes de la recherche en SS, Isabelle Clair, « Faire du terrain en féministe »

https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2016-3-page-66.htm