Séminaire atelier Socio-écosystèmes : Enjeux du cloisonnement institutionnel dans le cadre de l’action environnementale

Atelier Socio-écosystèmes – séance 2 – vendredi 7 mai 2021 10h30-12h30

Enjeux du cloisonnement institutionnel dans le cadre de l’action environnementale

Animation : Anne Honegger, CNRS, UMR 5600 EVS – ENS de Lyon

Le constat est que de plus en plus de règles régissent l’action environnementale et notamment dans le cadre de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques. Cette situation s’explique par la diversité croissante des usages, la multiplication des acteurs et des échelles d’intervention. Si l’arsenal juridique est globalement complet, force est de reconnaître que les résultats escomptés et l’efficacité de la gouvernance ne sont pas toujours au rendez-vous sur les territoires. Il s’agit au travers de deux présentations reposant sur des études de cas, de réfléchir collectivement aux raisons et aux effets du cloisonnement institutionnel observé, aux frémissements actuels vers des solutions pour le dépasser et aux apports des travaux scientifiques dans cette réflexion notamment par l’approche systémique de la ressource autour des concepts d’interaction, de globalité, d’organisation et de complexité. La construction d’une zone d’interface, de rencontre entre les acteurs permettant la construction d’un langage et de méthodes partagées semble un préalable au décloisonnement, à la mise en réseaux.

Thomas Bolognesi, University of Geneva – Political Science dep. & Institute for Environmental Sciences (GEDT) – Unesco Chair in Hydropolitics

Titre de la communication : Intégration des politiques environnementales : vers un piège à complexité institutionnelle

A travers le temps, les politiques environnementales ont été développées selon une logique de spécialisation. Cette spécialisation tend à fragmenter la gouvernance de l’environnement, ce qui entre en dissonance avec l’idée de système socio-écologique qui met en avant l’importance de considérer les relations entre usages et écosystèmes. Ce décalage entre l’unité d’un système socio-écologique et la fragmentation de la gouvernance est présenté comme cause de l’inefficacité des politiques environnementales. Depuis plusieurs décennies, la notion d’intégration est alors promue pour résorber ce décalage et accroître l’efficacité politique. Malgré le succès scientifique et dans la pratique de la notion, les problèmes persistent. Au final, on sait encore peu de chose les effets réels et des processus d’intégration. Cette contribution analyse les processus d’intégration sur le long terme. Je montre que, à mesure que la gouvernance se développe, des problèmes de cohérence émergent et limitent l’efficacité des politiques. J’appelle ce phénomène un piège à complexité institutionnelle. La présente communication expose la proposition théorique et l’illustre à partir de 3 cas: l’évolution de la gestion de l’eau dans 6 pays d’Europe de 1750 à 2005, l’évolution de la politique de lutte contre les inondations en suisse de 1850 à 2016 et la gestion actuelle du secteur de l’eau potable dans les Canton Suisse-Romands.

La communication s’appuie sur des publications récentes ou en cours et pourrait permettre d’ouvrir des collaborations à propos de raffinements de la proposition théorique, de ses implications ou d’application à de nouveaux cas.

Marylise Cottet, CNRS – UMR 5600 EVS – ENS de Lyon et Hervé Coquillart, Fédération des Conservatoires des Espaces Naturels (FCEN)

Titre de la communication : La ViaRhôna ou le développement durable autour du fleuve : entre désintégration et intégration des acteurs

La ViaRhona, cette piste cyclable qui lie le Léman à la mer Méditerranée en longeant le Rhône sur 815 km, est un projet emblématique du Plan Rhône. A ce titre, ce projet s’inscrit dans une démarche de développement durable centrée sur le fleuve Rhône et ses milieux naturels. En s’appuyant sur « les potentialités des espaces naturels », la ViaRhôna est destinée à développer l’activité touristique au sein des territoires traversés et à favoriser une réappropriation sociale et culturelle du fleuve Rhône. Le projet ViaRhôna, qui implique un vaste territoire, de nombreux acteurs institutionnels intervenant à des échelles et sur des champs d’expertise multiples, met à l’épreuve l’opérationnalité de la gouvernance et questionne la manière dont le cloisonnement institutionnel peut contraindre l’action environnementale.

L’analyse de l’histoire du projet (projet RhonaVel’eau), à travers les documents et les discours des acteurs recueillis dans le cadre d’entretiens semi-directifs, montre en effet que le cloisonnement des enjeux et des acteurs institutionnels a pu engendrer une certaine « déroute » du projet vis-à-vis de ses objectifs initiaux. Elle suggère que le Rhône et ses milieux ne contribuent que peu à l’identité ViaRhôna, du moins dans la manière dont ont été réalisés l’aménagement du tracé, la mise en tourisme et le marketing de la véloroute.

Les derniers retours d’expérience en matière de promotion de la véloroute montrent aussi que le projet est actuellement « en transition ». On assiste récemment, sous l’effet de leviers pluriels (le regard critique apporté par le projet de recherche RhonaVel’eau ; la motivation de certains acteurs de la préservation des milieux naturels le plus souvent impliqués à l’échelle locale à rejoindre la démarche ViaRhôna ; et enfin l’ouverture des acteurs institutionnels du plan Rhône à rebattre les cartes de la gouvernance) à une reconfiguration de la gouvernance du projet. Cela laisse augurer des échanges accrus entre des acteurs intervenant à des échelles différentes et dans des secteurs différents. Cette perméabilité institutionnelle pourrait aboutir à une certaine inter-connaissance et à une intégration des acteurs et de leur expertise pour accroitre in fine l’efficacité d’une politique de développement durable.