Séminaire : Imaginaires coloniaux de l’espace et réseaux de pouvoirs chez l’élite minière. La politique de renouveau minier en France métropolitaine comme un processus de « colonisation intérieure » ?

Ce séminaire propose de questionner la possibilité d’appréhender la politique dite de « renouveau minier » en France métropolitaine comme une forme de « colonisation intérieure » (Aldhuy, 2007 ; Lagarde, 2012) par l’État de certaines de ses marges territoriales. L’ethnographie du groupe d’acteurs soutenant cette politique – que nous avons désigné élite minière – a ainsi révélé diverses formes de colonialité sous-jacentes à la nouvelle mise en ressource de la Métropole. Elles interrogent plus globalement ce qui serait une dimension intrinsèquement coloniale de l’État français dans le champ des ressources minières.
Ces dimensions coloniales s’incarnent d’abord à travers certains processus juridico-institutionnels d’accaparement du territoire, appuyés sur une législation spécifique qui assure la propriété exclusive de l’État sur certaines matières premières et donc une gestion très centralisée, ainsi que sur les structures auxquelles appartiennent les individus de l’élite minière (issues de l’Ancien Régime et-ou de l’époque coloniale) comme sur leurs trajectoires individuelles (entre la France et l’étranger puis entre les secteurs public et privé, assurant la continuité des intérêts de l’État dans le secteur privé et vice versa).
Mais elles prennent également racine dans les manières qu’a l’élite minière d’appréhender les espaces concernés par la relance minière comme de la justifier. Celles-ci mettent en lumière certains imaginaires de l’espace, articulés autour des registres du développement et du désenclavement, puis de discours dissymétriques variés qui assurent la disqualification d’un territoire donné et de ses habitants (discours sur le « vide » et le « désert » vs. la mise en valeur du territoire par l’extraction minière ; valorisation de la science vs. une mise à distance du monde sensible ; etc.). Les pratiques professionnelles de l’élite minière se trouvent ainsi entrelacées à certains imaginaires coloniaux de l’espace qui les nourrissent et vice versa, participant de leur agir individuel et collectif dans le secteur minier.
Il s’agit alors d’interroger spécifiquement le rôle de la praxis géologique dans les processus coloniaux. Les géologues seraient, d’une certaine manière, les premiers colons : arpentant de fond en comble le territoire pour en décrire les formations terrestres, ils participent de sa (re)définition et de sa (re)construction à partir de leurs savoirs qui visent, entre autres, à mettre en valeur les ressources contenues dans son sous-sol en vue de leur exploitation. Cette mise en connaissance spécifique du territoire se trouve au cœur des processus qui légitiment son appropriation.
Vous espérant nombreux
Thierry COANUS
Isabelle LEFORT
Thomas ZANETTI