Science-fiction et mondes urbains

Colloque Stella Incognita

1-2-3 avril 2020

Amphithéâtre de la Maison Internationale des Langues et de la Culture (MILC), 35 rue Raulin, 69007 Lyon

Avec le soutien de la société savante Stella Incognita, du laboratoire Environnement, Ville, Société (EVS, UMR 5600) et de l’École Urbaine de Lyon – Études Urbaines Anthropocènes (EUL)

Coordinateurs : Jérôme Goffette, Danièel André, Alfonso Pinto, Université Cl. Bernard Lyon 1, EVS (UMR 5600)

Présentation

Depuis quelques années, l’hypothèse d’un nouvel âge géologique – l’Anthropocène – commence à susciter de nombreuses réflexions non seulement au sein de sciences de la vie et de la terre, mais aussi dans les sciences humaines et sociales. Qu’elle soit une hypothèse ou une certitude, une notion ou un concept, l’Anthropocène fait des mondes urbains – considérés à la fois comme réalisations et fabulations – son territoire par excellence. Si les villes portent une histoire, elles sont toujours aussi des projets, voire des rêveries. On se souvient bien sûr des célèbres pages que Victor Hugo et Émile Zola consacrèrent à Paris dans Notre Dame de Paris (1831) et Le Ventre de Paris (1873). À l’époque de ces romans, Paris était un immense chantier à ciel ouvert. La capitale française se métamorphosait sous le triple effet de la révolution industrielle, de l’exode rural, puis du programme « Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie » impulsé par le baron Haussmann (1852-1870). La métropole changeait de visage pour s’orner d’un nez singulier, la Tour Eiffel (1889). Ce qui vient d’être dit sur Paris fait écho aux visages tout aussi emblématiques d’autres villes, comme New York, Tokyo, Mexico, Bangkok, Lagos, Londres, Berlin, Rome, et leurs devancières Byzance-Constantinople-Istanbul, Alexandrie, Babylone, etc. La ville, artefact par excellence, objet de plans propres et nets, mais aussi lieu habité et vécu, est ainsi, toujours, un creuset où bouillonnent sciences, fictions et vies humaines – intimement mêlées.

La littérature romanesque classique n’a pas hésité à faire des villes un très riche décor pour ses intrigues, un décor si prégnant qu’il en devient un personnage, un caractère, donnant son ton à l’ensemble du roman. Combien de fois Londres, à la fois brillante, tentaculaire et fangeuse, fut-elle engloutie, de Richard Jefferies (After London or Wild England, 1885) à James Graham Ballard (The Drowned World, 1962) ? Elle continue, encore aujourd’hui, à exprimer sa personnalité en une psyché vivante, comme dans le récent Kraken (2010) de China Miéville. La ville n’a cessé d’être personnifiée, soulignant la densité des liens humains, à double sens, que nous entretenons avec elle.

La science-fiction semble faire plus encore. Certaines œuvres accordent d’emblée l’attention principale à cette entité. La ville-planète de Trentor, chez Isaac Asimov (Foundation, 1951) en est un exemple, de même que les cités-building des Monades urbaines (1971) de Robert Silverberg, le cycle des Cités obscures (1983) de François Schuiten et Benoît Peters, ou encore la tension entre ville du dessus et ville du dessous qu’on peut trouver à la fois dans Les Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith et dans Gunnm (et Alita) de Yukito Kishiro (1990-1995), ou dans Le Roi et l’oiseau (1953, 1980) de Paul Grimault. De plus, à travers livres, films, bandes dessinées, jeux vidéo, jeux de rôle, dessins animés et design, la science-fiction n’hésite pas à s’emparer à la fois de l’aspect matériel et de la dimension immatérielle des mondes urbains : on y trouve des recoins abandonnés, des égouts, des flux, abordés en tant que tels, autant que des plans, des documents d’histoire et d’archéologie, voire des transpositions dans le monde virtuel, quand ce ne sont pas des pans entiers d’une ville passée qui ressurgissent, y compris leurs anciennes dénominations de rues, leur lignes de métro incomplètes, leur vieux faubourgs, attachement d’histoire que le courant steampunk exprime par excellence. La science-fiction explore autant l’esprit que le corps de la ville ; elle n’hésite pas à mettre en scène ses concepteurs, ses ouvriers, ses strates historiques et cette foule de détails matériels qui lui donnent consistance.

Le prisme de la science-fiction peut ainsi apparaître comme un révélateur de la multiplicité des mondes urbains, de la façon d’habiter la ville et d’être habité par elle.

Cet appel à communication se veut donc ouvert à cette multiplicité qui s’exprime dans des formes aussi variées que la ville pourrissante ou la ville vestige (Blade Runner, DMZ, Soleil vert, etc), la ville-monde (Trentor chez Asimov), la ville-animale (Dunyach, Zola…), la ville-utopie (Nous autres de Zamiatine, La Zone du Dehors d’Alain Damasio…), la ville cachée (Cordwainer Smith, Serge Lehman…), la ville-ruîne (Metro de Glukhofsky), la ville bio-construite (Stableford…), la ville virtuelle (Gibson, Stephenson, etc.), la ville-énigme (Tyranaël de Vonarburg), la ville stratifiée (Gunnnm, etc.), la ville-extrême (Dosadi de Herbert), et bien d’autres angles…

Plus d’information sur le site de l’EUL

Contact : Jérôme Gofette (jerome.goffette@univ-lyon1.fr)