Mesure et appréciation des changements environnementaux (fréquence, intensité, magnitude), approches fonctionnelles et multi-temporelles
Coordination : Jean-François BERGER (CNRS), Etienne COSSART (Lyon 3) Hervé CUBIZOLLE (UJM)
L’atelier 5 se définit quatre objectifs :
- Le changement environnemental s’apprécie grâce à une mesure du temps. La temporalité des phénomènes naturels reste mal appréciée des sociétés humaines comme des décideurs, qui peinent à apprécier la périodicité, l’intensité comme la fréquence des aléas, des risques, des perturbations écologiques, les temps de résidence des matériaux en transit (eau, sédiments, débris végétaux, espèces, etc.) et les temps de relaxation des systèmes perturbés. Il est de ce fait important d’amener les sciences sociales à trianguler leur diagnostic des situations archéologiques, anthropologiques et socio-économiques par une prise en compte des données contingentes du milieu physique, par une connaissance de l’histoire des trajectoires environnementales des milieux naturels et anthropisés, et donc par une appréciation des états de référence du passé. Ceci passe par la cartographie et l’utilisation chronostratigraphique d'archives pédo-bio-sédimentaires (sols, systèmes colluvio-alluviaux, pollens, géoarchéologie), si possible datables (U–Th sur carbonates continentaux, 39Ar/40Ar sur minéraux potassiques, cosmonucléides terrestres sur quartz ; 210Pb, radiocarbone, etc.), dans le but de reconstituer l'évolution des paysages, des anthroposystèmes, et la succession des cycles climatiques qui ont pu présider aux changements enregistrés. L’étude du fonctionnement actuel et passé des systèmes morphogéniques, des sols, du tapis végétal, des bilans hydriques, et des systèmes agro-sylvo-pastoraux ou urbains qui s’y inscrivent, se veut comparatiste et donc se pratique dans différents milieux continentaux dans une démarche systémique. Selon les contextes (boucliers tropicaux, déserts, moyenne montagne, haute montagne, plateaux, plaines alluviales, etc.), les rythmes du changement environnemental varient et appellent des méthodes adaptées permettant d’accéder aux fenêtres temporelles pertinentes et aux archives représentatives du système étudié.
- Comprendre les processus biophysiques s’exprimant au sein des socio-écosystèmes et les conséquences que ces mécanismes induisent sur les sociétés en termes de risques, de ressources, de milieu de vie, de santé et de bien-être. Cet objectif intègre l’analyse des trajectoires des paysages / environnements et des sociétés lors de changements environnementaux (comme l’actuel) en discutant la capacité d’adaptation, la vulnérabilité des territoires et des anthroposystèmes, et les réponses conduisant à des bifurcations (autre niveau de résilience, recherche d’un nouvel équilibre dynamique). Cet objectif induit aussi une maîtrise des chronologies et des échelles spatio-temporelles au niveau des processus et des acteurs, de l’échelle du site à l’échelle du paysage ou du bassin-versant. Cet atelier est ainsi pensé en interaction étroite avec les ateliers 1, 2, 3 et 4 notamment, afin de construire une réflexion à l’interface nature–société, autour des solutions d’ingénierie écologique et des services écosystémiques face aux aléas naturels ou récemment créés par les anthroposystèmes. Il est également pensé en étroite interaction avec les ateliers méthodologiques 7 et 8 épistémologiques et géomatiques.
- Comprendre les changements environnementaux des échelles intra-décennales aux échelles plurimillénaires de l’Holocène et lier ces connaissances avec les modifications susceptibles d'être observées dans le futur (amplitudes, intensités, temporalités, cyclicités, variabilités spatiales du local à l’hémisphérique...). Cet atelier s’appuiera sur les différentes expériences et compétences des chercheurs de l’unité afin de :
- mieux lier les approches paléo-environnementales et contemporaines autour d’une réflexion sur les analogues bio-physiques et climatiques en terme de processus et d’impacts ;
- mieux intégrer la sensibilité des environnements humides et fluviaux aux changements globaux en recherchant à discriminer les effets des forçages naturels ou anthropogéniques (ou leur combinaison) ;
- mieux prévoir leurs évolutions futures par la modélisation socio-environnementale à différentes échelles spatiales et temporelles (SIG, MMA) et la construction de scénarios. Dans ce cadre, l’étude des systèmes fluviaux cherchera également à explorer la temporalité, la structure et les conséquences d’un changement climato-environnemental, et à documenter les phases de transition d’un état à un autre du système fluvial, en mesurant plus particulièrement leurs effets sur les aquifères (niveau, variabilité intra- et interannuelle, eutrophisation, contamination...), les débits liquides et la végétation. Un effort sera porté sur la comparaison entre l’amont (têtes de bassins) et l’aval (basses plaines alluviales et deltas) en intégrant des variables comme la segmentation géomorphologique, le degré de connectivité (latérale et longitudinale) et les formes de l’exploitation du sol et de l'ensemble des ressources naturelles liées, directement ou indirectement, à l'eau. Ces recherches pluridisciplinaires en environnement nécessitent de disposer de données nombreuses, variées en termes spatio-temporels (observations quantifiées dans le cadre des observatoires, archives sédimentaires conservées en chambre froide), dont l’étude fait appel à de nombreuses spécialités maîtrisées dans le cadre de l’Unité, mais aussi à un panel large de nouveaux marqueurs bio-géochimiques utilisés dans le cadre de collaborations entre UMR nationales ou avec les universités étrangères.
- Décrire et définir les seuils successifs de l’Anthropocène, la période au cours de laquelle les sociétés humaines ont modifié le fonctionnement géologique et géochimique de notre planète et l’ont finalement marqué d’une empreinte sans doute irrémédiable (jusqu’à l’urbanité). Les communautés de recherche d’EVS ont les moyens d’approfondir cette thématique dans les domaines des écosystèmes humides (tourbières de moyennes montagnes), dans l’axe des hydrosystèmes rhodaniens et liguriens (étude de bras-morts, de plaines d’inondation) et dans des cours d’eau péri-urbains plus ou fortement artificialisés et contaminés (OTHU). L’atelier 5 a pour projet de comparer ses effets dans la longue durée en terme d’évolution morphosédimentaire, de budget sédimentaire, de biodiversité, de pollution/ecotoxicologie et de les relier aux formes et types de gestion des paysages par les sociétés humaines depuis qu’elles se sont hiérarchisées et urbanisées et ont pérennisé leurs terroirs.
Cette thématique, qui relie dans un continuum temporel l’étude des milieux anciens anthropisés et de l’actuel, intègre des approches régressives du paysage et des traitements géomatiques permettant de construire des scénarios socio-environnementaux rétrospectifs à différentes échelles d’espace et de temps dans le cadre d’études interdisciplinaires intégrées. Elle doit aussi permettre de raisonner sur l’anticipation des phénomènes et situations à risque, notamment dans le domaine fluvial (crue) et les environnements très artificialisés pouvant à terme aboutir à la construction d’indicateurs de mise en alerte.
Elle implique des collaborations avec les archéologues et historiens travaillant dans les sphères lyonnaise et stéphanoise (MOM, INRAP, SAM...), avec les géochimistes de l’EMSE et avec les biologistes et chimistes des UMR INEE de Lyon 1 dans le cadre du partenariat du DIPEE. Elle s’appuiera sur les ressources et compétences des 3 plateformes de l’UMR (OMEAA, ISIG, ED2VS), notamment en termes d’expérimentation et d’observation des milieux actuels (intégration du réseau et des observatoires de la ZABR et de l’OHM-vallée du Rhône, Labex DRIIHM), d’exploitation des archives et cartographies anciennes, sur des projets en cours avec Geolab (Wracc, Aypona), sur de nouveaux outils très performants des géosciences de l’environnement acquis récemment (nouveau core scanner implanté à Edytem-Chambéry, investissement d’avenir INEE) ou en cours de développement à OMEAA et à l’ENS (Micromorphologie/analyses d’images, cosmonucléïdes, pistolet XRF). L’un des objectifs serait d’aboutir à une classification des gradients de l’Anthropocène sur des critères qualitatifs et quantitatifs restant à définir, et d’employer les modélisations de type multi-agents (MMA) (grâce à un élargissement récent des compétences dans ce domaine à l’IRG) pour comparer les données observées et les données simulées et évaluer les facteurs respectifs et aggravants des principaux agents impliqués dans la genèse de l’Anthropocène.