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Nina BACCHINI

Doctorante en Anthropologie Université Lumière Lyon 2 – Università degli Studi di GenovaTitre de la thèse : La gestion spatiale des populations migrantes et les transgressions des mobilités imposées. Ethnographies des parcours clandestins dans l’espace urbain. Directeur de thèse : SANTIAGO Jorge.
Travail Borgo Bernabei 4 Parma Italie 43125 Italie Téléphone professionnel: 0675079032

Photo de Nina BACCHINI

Atelier(s)

– Axe 1 Bien-être en ville

– Axe 6 Faire Territoire Faire Société

 

Présentation des travaux de recherche

1.

Mon travail de recherche vise à identifier et reconnaître le dispositif de contrôle et gestion des
« flux migratoires » à la frontière franco-italienne. La ville de Vintimille connait des
bouleversements rapides au fil des années, mais elle reste un point de passage principal pour
ceux et celles qui veulent aller en France ou dans le reste de l’Europe : l’intérêt de ce terrain
d’étude reste d’actualité.
Or, d’un point de vue général, aujourd’hui plus que jamais nous pouvons parler de
« frontières diffuses » comme pratiques de contrôle. Ces dernières résultent être de plus en
plus étendues jusqu’à arriver au cœur des espaces urbains, où ces mécanismes sont de plus en
plus visibles et fonctionnels, devenant partie intégrante des paysages émotionnels des villes et
intervenant sur les pratiques urbaines, à la fois des migrants et des résidants. Dans ce sens, les
villes sont le nouveau terrain de la gestion spatiale des populations migrantes, la
nouvelle arène politique où se négocient les conditions d’accès, ou à l’inverse d’expulsion,
et où l’on expérimente de nouvelles pratiques répressives (rétention, expulsions des
espaces informellement réappropriés/occupés). Les villes deviennent donc un prolongement
des espaces de frontières, où les mécanismes qui jadis intervenaient sur les lignes de confins
sont reproduits au cœur de celles-ci.
Ces réseaux d’espaces opératifs autour de la gestion des populations migrantes (points de
passage au frontières, lieux d’enfermement temporaire, camps de transit) forment un
continuum territorial ainsi qu’une homogénéisation de pratiques et politiques. Les échelles
d’analyse doivent donc obligatoirement prévoir un entrecroisement de ces différentes
dimensions et croiser la dimension locale- la ville et la frontière entre deux pays-, les
mécanismes de régulation de la migration que rassemblent l’espace européen et infine, la
dimension internationale voire globale des parcours migratoires et des dispositifs de contrôle
et d’enfermement.

2.

Or, à cela s’ajoute un autre enjeu central dans cette recherche : l’expérience des acteurs
migrants et les mobilités qu’ils déclenchent sur cette topographie du contrôle migratoire.
Les migrants déclenchent des mobilités déviantes, irrégulières afin de contourner ces
dispositifs de contrôle et de répression de leur liberté de mouvement. Sur le plan orienté des
mobilités souhaitées, celles des migrants irréguliers résulte être un défi aux politiques de
gestion de ces populations. Les allers-retours, les détours, les changements de statuts et de
ressources mobilisées tout au long du parcours, les tactiques réfléchies afin de contourner les
« point chauds », sont parmi les éléments de cette mobilité déviante. A partir des conclusions
de mon travail de master, j’inclus dans la notion de « mobilité » celle d’attente et de pause,
espace-temps constitutifs du mouvement. Or, il s’agit de voir dans ces espaces également les
tentatives d’appropriation, marginale et temporaire mais néanmoins inédite et créatrice de
pratiques socio-spatiales nouvelles. Ces espaces se caractérisent pour être des interstices, des
marges urbaines, des friches abandonnées qui sont réinvesties dans leur neutralité urbaine par
des acteurs dont le non-droit d’être ailleurs fait converger ici. Ce sont les habitants invisibles
des villes invisibles : une invisibilité qui est à la fois imposée par les institutions (qui cachent
les « excédents » de citoyenneté du paysage social) et une stratégie des migrants eux-mêmes

qui savent que rester imperceptibles et invisibles, fluides dans leurs mouvements, représente
une stratégie dans le but de contourner les dispositifs de contrôle. Les villes invisibles sont les
villes habitées par les marginaux de notre contemporain, dont les migrants, en situation
régulière ou pas. Ce sont des morceaux de ville, de quartiers qui réinvestis par des pratiques
d’habiter informel redécouvrent un dynamisme qu’ils avaient perdues à cause de projets
urbains qui en oublient l’épaisseur ou qui en propose une fonctionnalité univoque. Ainsi, les
ponts, les autoports, les zones industrielles, les gares sont des lieux habités, de façon souvent
informelle mais organisée. Les villes invisibles ce sont des villes dématérialisées, où ce ne
sont pas les infrastructures ou les éléments urbains à en indiquer la fonction, mais les
pratiques de vie et d’habiter de cette catégorie de citoyens et par là, la multiplicité de points
de vue que chacun.e introduit dans la ville. C’est pour cette raison que l’orientation de
recherche doit aller vers un décentrement du regard, d’une part pour découvrir les villes
invisibles et d’autre part, pour apprendre à y pénétrer et en démêler la complexité qu’elles
incarnent.