Villes et genres : changements de regards sur le partage de l’espace?

Quand les violences domestiques s’inscrivent dans l’espace public. Rue Gay Lussac, Paris, 12 octobre 2019 ©D. Chevalier

Vendredi 22 novembre 2019, 9h30-12h30, salle 604, 18 rue Chevreul, 69007 Lyon

Séminaire commun aux ateliers 3 et 6

Séance organisée par Dominique Chevalier (MCF-HDR Université Lyon INSPE, UMR EVS) et Sophie Vareilles (MCF INSA de Lyon, UMR EVS).

Cette séance commune aux ateliers 3 et 6 du laboratoire EVS (UMR 5600) sera consacrée à la question du partage de l’espace urbain selon le genre. Depuis une trentaine d’années, les travaux corrélant les pratiques urbaines et les rapports sociaux de genre se sont développés, et le constat que la ville reste sexiste et androcentrée demeure collectivement partagé. Cette matinée
permettra d’enrichir les réflexions déjà menées sur les normes de genre dans la
prise en compte des politiques publiques et de réfléchir aux manières de
co-construire une ville plus juste, plus égalitaire et plus accessible pour
tous et toutes.

Trois intervenant·es présenteront leurs travaux :

  • Amandine Chapuis, « Revendiquer la place des femmes dans la ville. Approche géographique d’une action collective de femmes »
  • Camille Martinez, « De quel projet politique les politiques urbaines genrées sont-elles le nom ? »
  • Yves Raibaud, « Genre, sport et villes »

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Présentation des interventions

Amandine Chapuis, « Revendiquer la place des femmes dans la ville. Approche géographique d’une action collective de femmes »

Amandine Chapuis
est Maîtresse de Conférences en Géographie à l’INSPE de Créteil Laboratoire Analyse
Comparée des Pouvoirs, UPEM, Groupe de recherche
Justice, Espace, Discriminations, Inégalités

Son intervention propose de rendre compte d’un travail d’enquête de plus de
deux ans en immersion auprès d’un collectif de femmes de la banlieue nord de
Paris, mené conjointement avec sa collègue Sophie Blanchard (Lab’Urba). Cette
recherche sur le temps long croise observation participante, entretiens,
analyse des supports de l’action militante et étude de son traitement
médiatique. La revendication principale de ce collectif concernant
l’appropriation de l’espace public par les femmes, elle positionne clairement
l’espace urbain comme enjeu des rapports sociaux de sexe et interpelle ainsi
très directement les géographes. Cette intervention montrera donc comment, en
se penchant sur les spatialités d’une action collective de femmes, cette
enquête permet d’apporter à la connaissance de la dimension genrée du
fonctionnement des espaces urbains et de la dimension spatiale des rapports de
genre. 

Camille
Martinez
, « De quel projet politique les politiques urbaines
genrées sont-elles le nom ? »

Camille Martinez
est doctorante ENTPE, Laboratoire RIVES-EVS

Bien que les études proposant de lier les rapports sociaux
de genre à l’aménagement urbain se développent depuis près de quarante ans,
penser et fabriquer les villes avec le genre par l’élaboration de
« politiques urbaines genrées » (Claire Hancock, 2012) est une
perspective récente en France (Louargant, 2017).

Depuis 2012, l’égalité entre les femmes et les hommes est
devenue un principe général d’action de la politique de la ville et le nouveau
cadre de référence établi dans les contrats de ville de 2015-2020 en fait l’une
des trois priorités transversales. En octobre 2016, après
Vienne (Autriche), Berlin (Allemagne) ou Barcelone (Espagne), Paris est la
première ville française à publier un guide référentiel Genre et espace
public
à destination des aménageurs en vue de «construire un environnement
urbain plus égalitaire». Depuis janvier 2018, la ville de Lyon travaille
également à la réalisation d’un guide sur la prise en compte du genre dans les
projets urbains. Encouragées par les préconisations européennes autour du gendermainstreaming, ces politiques
urbaines soucieuses de la place des femmes affichent pour objectif de corriger
les inégalités et de renouveler les manières de fabriquer la ville. Elles naviguent cependant entre plusieurs écueils. A
travers une sociologie fine des acteurs qui gravitent autour de la promotion de
l’égalité femmes hommes dans l’aménagement il s’agira d’identifier la manière
dont ceux-ci font face aux tensions voire participent à leur production.

Yves Raibaud, « Genre,
sport et villes »

Yves Raibaud est géographe, Maître de Conférences HDR émérite, Université Bordeaux Montaigne, UMR Passages.

Des
études réalisées dans plusieurs pays européens montrent que le niveau des
pratiques sportives des femmes tend à rattraper celui des hommes. Cependant les
femmes sont deux fois moins nombreuses à être licenciées dans un club ou une
association sportive. Leurs activités se déroulent plus souvent au sein
d’activités commerciales ou en pratiques libres, moins dans un cadre associatif
ou municipal et sur des équipements subventionnés par les collectivités. Les
travaux menées sur plusieurs villes françaises arrivent à peu près au même
constat : environ 75% des budgets publics destinés à promouvoir ou encourager
les pratiques sportives reviennent aux hommes (Maruejouls, 2014, Bacou, 2014).

Les
différences de pratiques sportives entre les sexes pourraient donc se refléter
dans l’usage de la ville, d’autant plus lorsque celle-ci apparaît « faite
par et pour les hommes » et en particulier les sportifs et leurs avatars,
les hommes virils et dominants. Si le sport est devenu « un genre
commun du monde occidenta
l », « un des mécanismes les plus
efficaces et les plus rapides de diffusion des pratiques, d’aménagement du
territoire et d’organisation spatiale 
» (Augustin, Suchet, 2017), les
études de genre viennent mettre un grain de sable dans l’engrenage : le
sport n’est-il que le reflet de ces inégalités (comme il peut l’être d’autres
inégalités liées aux rapports de classe, ‘race’, ou âge et à leurs
imbrications) ? Participe-t-il, au contraire, à produire ces normes de
genre qui prescrivent ce qu’est être un homme, ce qu’est être une femme dans
les espaces où elles et ils interagissent (Goffman, 2002[1977]) ?

Contacts : Dominique Chevalier (dominique.chevalier@univ-lyon1.fr)  et Sophie Vareilles (sophie.vareilles@insa-lyon.fr)