Séance de séminaire : PATRIMOINES ET MEMOIRES POST-CONFLIT

12 avril 2019 – 9h à 12h30

La salle sera communiquée prochainement.

Patrimoines et mémoires représentent des ressources possiblement politiques, géopolitiques, culturelles, économiques, symboliques et communicationnelles. C’est précisément la combinaison de ces liens étroits noués entre patrimoines, mémoires et territoires en situation de post conflit qui sera appréhender dans cette séance de séminaire,  à travers plusieurs études de cas allant de l’Irlande du Nord au Liban, en passant par la Syrie, l’ex-Yougoslavie et Chypre. Quels sont plus particulièrement les significations et les enjeux de ces mises en mémoires et de ces patrimonialisations ?

Crédits: Zeid Kassouha

La mémorialisation du conflit nord-irlandais dans l’Irlande du Nord post-conflit : quel rôle pour le musée national ?

Karine Bigand, MCF en Etudes irlandaises, Aix-Marseille Université, LERMA (EA 853)

Le jour du Vendredi Saint de 1998 était signé l’Accord de Belfast qui mettait fin à la période de conflit dite des « Troubles » en Irlande du Nord. 20 ans plus tard jour pour jour, l’Ulster Museum, principal musée national de la province, inaugurait une nouvelle version de son exposition permanente sur la période du conflit: « The Troubles and Beyond Gallery ». L’exposition antérieure, « The Troubles Gallery », inaugurée en 2009 à la réouverture du musée après rénovation, avait fait l’objet de très nombreuses critiques pour ses choix muséographiques, notamment pour son approche photo-journalistique et une absence totale d’objets exposés. Au contraire, la nouvelle exposition, riche de choix muséographiques innovants et assumés, a reçu de nombreux éloges.

La présentation de la nouvelle exposition, avec quelques comparaisons avec l’ancienne, sera l’occasion de mesurer le chemin parcouru par l’Ulster Museum dans la mémorialisation du conflit, notamment les changements effectués dans l’acquisition et la mise en valeur des collections, le travail en collaboration avec les visiteurs et la réflexion menée sur le rôle d’agent social d’un musée national, au service des communautés qu’il représente.


Tourisme(s) post-conflit : patrimoines, mémoires et interprétation, le temps de la résilience

Zeid A. KASSOUHA, Chercheur associé, Université d’Avignon / UMR Espace Dev (228)

Les conflits armés redessinent le paysage
touristique en profondeur (dégradation du patrimoine bâti/naturel, de
l’infrastructure, perte de patrimoine immatériel, reconfiguration sociale,
etc.). Ils génèrent également du nouveau patrimoine, matériel et immatériel,
qui vient se rajouter au stock patrimonial préexistant (ou ce qui en reste).
Mais ils influencent également l’interprétation, voire la réinterprétation des
patrimoines.

Ainsi dans le tourisme post-conflit nous assistons d’un côté à la reconstruction de l’offre touristique qui était proposée pré conflit, et d’un autre à l’émergence d’une nouvelle offre autour du patrimoine et de la mémoire du conflit. Tourisme de mémoire, tourisme « sombre » (dark tourism) et autres activités font alors leur apparition et évoluent dans ce paysage en pleine mutation.

Dans cette communication nous proposons une lecture de cette dynamique de résilience qui s’installe post-conflit, qui conjugue « anciens » et « nouveaux » tourismes, et qui comporte des formes d’hybridation de patrimoines et d’interprétation. Nous évoquerons aussi le rôle de la mémoire et du lien émotionnel dans cette dynamique et dans son évolution au fil du temps.


Mémoires et patrimoines post-conflits : le cas de la séparation chypriote.

Marie Pouillès, Doctorante en géographie, EVS (UMR 5600)

L’île de Chypre, séparée physiquement depuis 1974 après plusieurs
années de conflits qui hantent encore les esprits des insulaires, connaît une
situation politique singulière. Son territoire est rempli d’ostensifs de
l’histoire conflictuelle récente du pays. Ceux-ci constituent des mémoires et
identités spécifiques relayées dans l’espace public de l’île. Le patrimoine
(matériel et immatériel) de Chypre est à la fois un vecteur de séparation
toujours plus grandissante, mais peut aussi être utilisé à des fins
réconciliatrices et réunificatrices, en évoquant un passé commun, qui peut
réactiver les mémoires et identités semblables aux communautés désormais
séparées. Le patrimoine est ainsi instrumentalisé par différents acteurs à des
fins idéologiques diverses. La question est de savoir comment les mémoires et
le patrimoine de cette société post-conflit sont utilisés sur cette île ténue
et quels sont les enjeux qui en découlent.


Patrimoine communautaire : enjeux de réconciliation au Liban ?

Racha ROYER, Doctorante en géographie, EVS (UMR 5600)

Le Liban occupe une place importante dans les situations
post-conflits/guerre. La reconstruction de Beyrouth après la fin de la guerre
civile en 1990 a fait l’objet de plusieurs ouvrages et articles scientifiques.

Le choix de la patrimonialisation dans la situation
d’après conflit relève ici d’enjeux d’écriture de l’histoire qui doivent
composer avec des questions d’équilibre communautaire et confessionnel. Il en
résulte un patrimoine communautaire instrumentalisé, affecté par la montée du
communautarisme fondé sur l’exclusion identitaire réciproque.

Ce patrimoine peut-il être un lieu de
réconciliation et de paix ? Quelles sont les formes de développement de ce
patrimoine ?

Au sud du Liban ce patrimoine est devenu à la fois un
objet de privatisation par la communauté chiite, une ressource économique et
une preuve d’existence pour cette communauté. C’est précisément ce qu’incarne le
musée de guerre localisé à  Mleeta au Sud du Liban. Nous analyserons cet
édifice en tant que résultat d’une politique de fusion entre le tourisme,
l’idéologie du martyre et l’instauration d’un « milieu » de mémoire
communautaire.